Essai – Renault Mégane RS – Toy Story

Quand chez Renault on vous demande « quel véhicule aimerais-tu essayer ? » et qu’on répond avec une once de timidité « la Mégane RS », on s’attend quand même à une petite hésitation. Quelques semaines plus tard, après un échange de mail qui fait chaud au cœur, je récupère les clés, je descends au troisième sous-sol, je prends la mesure de la bête.

Grise, musclée, racée et discrète à la fois, au premier abord toutefois. Un peu intimidé, j’en fais le tour, j’observe les galbes, je scrute les courbes, je détaille le bas de caisse, j’admire la ligne de caisse et enfin je monte. Réglage de siège, réglage de rétroviseurs, moteur. Un « vrouap » m’accueille dans le baquet, une douce vibration de moteur me signale que le moulin a répondu à ma pression sur le bouton. J’attends un peu que le moteur chauffe et j’accélère un peu, toujours dans le parking, fenêtre ouverte. Premier frisson.

Quelques kilomètres plus tard, je me dirige gentiment vers la Normandie, ses petites départementales bosselées, ses longs rubans d’asphalte parfois délicieusement lisses, sinueux et rapides, en gros l’un de mes terrains de jeu préférés aux portes de Paris. Idéal pour la bestiole au Losange.

Mais parlons un peu des premières sensations, en ville et sur autoroute, deux terrains de jeu pas forcément adaptés à première vue au petit monstre de 250 ch à la définition sportive. Première surprise : la suspension est assez délicate pour amortir les variations de la route, des bouches d’égouts et autres mégots traînant dans les rues de Paris. Seconde surprise : les baquets et le confort global de la voiture sont bons même si finalement ils ne sont guère éloignés d’une Mégane classique, aux détails RS près. Cette surprise est à la fois bonne et mauvaise, tant on est heureux d’avoir un minimum de confort tout en regrettant que l’habitacle ne soit pas plus typé et adapté à la préparation RS. En même temps, vous me direz, l’essentiel est dans le moteur, les trains roulants et le plaisir de conduire. Et c’est là qu’intervient la troisième surprise : une boîte de vitesse et un embrayage assez raides. Pas facile à doser, pas facile de passer les vitesses en mode conduite coulée, la boîte et l’embrayage sont clairement conçus pour une conduite sportive, incisive et rapide. Oubliez donc les boîtes molles aux verrouillages approximatifs, ici on est plutôt dans le domaine du sportif qui vient verrouiller ses rapports avec fermeté et synchronisation avec ses petits petons. Voilà qui n’est pas pour me déplaire et qui annonce la couleur du weekend.

Mais revenons rapidement sur l’intérieur et sur les détails qui accrochent l’œil. Un petit « Renault Sport » ici, un joli pommeau de vitesse là, un compteur agréablement gradué, des baquets au maintien nickel et enfin un volant qui tombe sous la main.

Passons aux choses sérieuses. Gaz ! Parce que cette voiture est faite pour ça et se révèle dès qu’on ose pousse la pédale d’accélérateur en butée. Première, rupteur qui arrive vite, seconde, rupteur idem, troisième, 140, quatrième, 170… et il reste encore deux rapports à passer. Autant vous dire que les insertions et les dépassements sont des formalités complètement gommées par les reprises et les accélérations franches du moteur qui monte, monte, monte ! Et chante. Renault a libéré la bride de son échappement, l’enrobant d’une sortie centrale chromée qui cache à peine l’énorme sortie d’échappement, et ça s’entend ! Jouer avec la pédale d’accélérateur est un bonheur pour les oreilles ! Et un pousse au crime tant le moteur ne cesse de hurler dès qu’on le sollicite. Un travail remarquable de la part du constructeur, travail que l’on retrouve si je ne m’abuse sur l’ensemble de la gamme RS.

Petit tour du propriétaire à mi-chemin. Boîte de vitesses : précise, nette, claire. Embrayage : précis. Moteur : ça envoie du pâté. Toucher de pédale : accélérateur bien comme il faut. Sonorité : un régal. Bon. Pour l’instant, on peut clairement dire que cette voiture est une merveille. Il est temps d’aller faire un tour sur les petites routes pour valider les sensations déjà vécues à son volant, sur circuit.

« Vrouap ». Moteur, première, pied dedans, seconde, pied dedans, troisième, on enchaîne. Premier virage, pied dedans, talon pointe et rétrogradage, les pédales répondent au millimètre, le toucher de pédale est franc, la direction remonte ce qu’il faut d’informations, l’arrière de la voiture déchausse gentiment et se place tandis que les suspensions arrivent à doser savamment la raideur et la douceur. Pied dedans, on accélère et la voiture s’arrache de la courbe. Efficacité pure et brute, quel boulot sur le châssis et les trains roulant de cette voiture ! J’en reste coi pendant quelques dizaines de secondes, le temps d’aborder les prochains virages.

C’est là que naît un sourire absolument irrépressible suivi d’un presque fou-rire tant tout s’enchaîne avec autant de bonheur. Difficile de cacher le plaisir d’être au volant d’une machine aussi efficace et abordable à la fois pour le conducteur que je suis. Trains roulants, moteur, boîte, châssis, ressenti volant / pédalier / freinage, tout se combine pour produire cette Toy Story. J’ai la sensation d’être au volant d’une usine à plaisir, d’être Charlie dans sa Chocolaterie voire même un Buzz l’Éclair qui fonce de trajectoire en trajectoire dans un agréable rugissement, parcourant le monde dans ma machine qui résonne de colline en colline, de forêt en forêt. Quel pied !

Mais, tout de même, il doit bien y avoir des points noirs ! Ma foi, j’ai du mal à en trouver. Passons sur l’habitacle un peu trop sobre et pas assez « RS » à mon goût, passons sur la boîte pas toujours très délicate en conditions soft, passons enfin sur l’appétit astronomique du moteur quand on pousse très fort, l’ensemble est un énorme bonheur à savourer sans modération si ce n’est celle du nombre de points restants sur le permis.

Au delà des sensations, il faut bien avouer que Renault a su livrer avec cette Mégane RS une mouture mêlant avec beaucoup de science la possibilité de rouler tranquillement sur un filet de gaz et celle de dégoupiller et d’envoyer du lourd tout en se sentant au volant d’une voiture très saine. Un numéro d’équilibriste que la marque maîtrise décidément bien.

Dis, bestiole, on se revoit quand ? Tu me manques…