Envies de fureur mécanique

C'est le printemps, presque l'été. Les engins de mort font leur apparition : cuir rutilants, chromes soignés, sons étouffés, halètements rauques, japements brefs mais intenses … les motos sont de sortie … et je saigne.
 
Mon coeur saigne, à chaque retour des beaux jours, c'est plus fort que moi. 3 ans que j'ai mon permis de mourir, 3 ans que je me retiens de craquer et d'acheter mon monstre, celui qui risque de me tuer.
Deux de mes amis n'ont pas attendu, l'un s'est encastré dans une voiture, 10h sur le bloc d'opé, il va bien. L'autre a joué avec des gravillons, il va bien aussi. Qu'importe, ils m'ont fait peur, j'ai pleuré pour eux, mais l'envie est toujours là, toujours aussi forte, voire plus.
 
Envie d'essorer la poignée de gaz, envie d'entendre le moulin monter dans les tours, envie de sentir la roue avant s'élever vers le ciel, envie de vent qui vient picoter mon épiderme au travers des protections diverses et variées, envie de me sentir vivant, lancé "pleine balle" comme on dit.
Envie de retrouver mes sensations : accélérations dantesques, le vent qui joue avec toi, la route en prise directe, vitesse pure, lancé à 200 km/h en rase campagne avec comme seule perspective l'horizon et les arbres qui défilent.
 
Mais Paris … cette ville que j'apprécie pour toutes ses qualités … mais qui me bride. Quel intérêt de posséder un jouet si on ne peut l'exploiter, le sublimer ?
 
Voilà une de mes raisons de partir, un jour, de ce bel endroit. Je veux rouler, je veux vibrer, je veux retrouver ces sensations perdues pour l'instant … Avaler des kilomètres, vite ou pas, me balader, Alice derrière moi … S'arrêter où l'on veut, profiter, s'allonger au bord d'une route et savourer l'instant, juste le temps d'un weekend, loin des préoccupations quotidiennes …
Au dela des sensations grisantes, la moto, pour moi … c'est avant tout un esprit : la sensation d'être en vie, la sensation d'être libre, les sons, les vibrations, les sensations, l'odeur, l'accélération, la mort. La moto, c'est la vie, à l'état brut … et ça me manque. Terriblement.