Touriste – Julien Blanc-Gras

« On est toujours le touriste de quelqu’un… » voilà une remarque que je me fais très régulièrement et que tous les voyageurs devraient se faire. Julien Blanc-Gras n’y coupe pas, surtout qu’il est un drôle de touriste, un homme qui voyage beaucoup, tout le temps, dès qu’il peut.

Obsédé par les cartes, le narrateur décide de visiter tous les pays du globe. Des favelas colombiennes aux hôtels clubs tunisiens, en passant par les karaokés du Yang-tsé-Kiang, les villages oubliés du Mozambique, les vagues polynésiennes, les plateaux de Bollywood, le tumulte du Proche-Orient et même par la Suisse, ce promeneur globalisé nous guide à travers l’inépuisable diversité des mondes.

Difficile pour moi de ne pas m’identifier en lisant ce livre, difficile pour moi de ne pas adhérer à la majeure partie du propos, de plonger dans ces voyages plus ou moins extraordinaires, de ne pas me rappeler certaines rencontres un peu folles que l’on peut faire en voyage. Quand j’ai lu la quatrième de couverture, je n’ai pas pu m’empêcher de rêver un peu et de me dire que j’aurais bien voulu écrire ce livre. Sauf que mon passeport n’est pas encore bien rempli en comparaison du Touriste de Julien Blanc-Gras.

Alors, certes, des livres de voyages, il en existe des milliers et ce, depuis le XVème siècle environ. Alors pourquoi celui-ci devrait-il être différent ? La réponse tient dans sa date de parution et dans son propos : ils sont actuels. L’auteur nous plonge donc dans ses réflexions plus ou moins barrées ou profondes sur la géopolitique actuelle, sur la géographie, sur les clichés comme lallemandenshort ou bien le conflit israélo-palestinien, sur sa névrose perpétuelle quant à la découverte de pays supplémentaires.

Julien Blanc-Gras déroule ainsi des expériences, des réflexions, nous parle de sa fascination pour les cartes et la géographie, nous conte des rencontres folles ou désagréables, nous parle un peu de sexe aussi. En bref, il aborde un peu toutes les thématiques liées au voyage, à l’abandon de son chez-soi, à la douceur d’y revenir et à la nécessité d’en avoir un, finalement. Surtout, il nous parle de l’amour qui se tisse parfois entre un pays et nous, nous rendant fous de désir d’y revenir alors qu’il nous a pourtant laissé sur un sentiment mi-figue mi-raisin. On y parle contemplation, on y parle alcool, on y parle tourisme de masse, on y parle poorism, on y parle des touristes chinois, on parle un peu de l’Unesco et de son côté Disney, on parle aussi de maladies vénériennes.

Le livre est bien structuré et joue sur la progressivité : découverte de la passion du voyage, découverte du passeport et enchaînement des expériences en tant que journaliste ou en tant que simple voyageur. Des expériences plus ou moins excitantes, plus ou moins génératrices de rêve mais toujours dotées d’une justesse mâtinée de cynisme et de clairvoyance. Le style très dynamique de l’écriture fait que le livre se dévore plus qu’il ne se lit, posé au soleil si possible, afin de rendre le supplice de l’énumération des pays un peu plus tolérable.

Au final, c’est une belle lecture, à l’écriture moderne, dénuée de toute prétention moralisatrice, un simple journal de bord que l’on souhaiterait avoir rédigé et surtout avoir vécu. Ce livre, au delà de ses réflexions, de son humour, de ses clichés dénoncés et assumés, est une invitation au voyage, une invitation à assumer ce putain de statut de touriste. Car non, être un touriste, ce n’est pas forcément sale.

Merci Julien Blanc-Gras de m’avoir confirmé ma volonté de remplir coûte que coûte ce passeport que je traîne depuis 2003, de m’abandonner, d’apprendre à voyager, de connaître de nouveaux horizons sans renier ma vie actuelle. (oui c’est très euphorique comme remerciement mais c’était ce que je ressentais en fermant le livre à la toute fin, une vraie satisfaction)