Dernières nouvelles de la Terre – Pierre Bordage

Ah tiens un Pierre Bordage, cela faisait un moment que je n’avais pas lu cet auteur, l’un de mes favoris, ne me retrouvant plus forcément dans les thématiques qui lui sont chères : l’aventure épique et la mythologie au sens large, mais plus encore dans le déroulement parfois un peu trop prévisible de ses romans.

Depuis le recueil publié en 2004, Nouvelle vie, Pierre Bordage écrit des nouvelles, au gré des circonstances littéraires de sa vie d’auteur – festivals, anthologies, résidences, journaux –, et cela lui plaît. Cette publication a pour but de faire partager ce plaisir à un large public et de faire se côtoyer ces textes qui, quoique toujours proches de l’univers et de la démarche romanesque de Pierre Bordage, lui permettent d’explorer des parcelles de l’humaine condition avec plus d’acuité voire d’audace que dans ses romans. Ce recueil comprend une douzaine de nouvelles dont un texte inédit, écrit à l’occasion de cette publication.

Ce recueil, Dernières nouvelles de la Terre, est donc une somme de nouvelles rédigées au gré de ses réflexions et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ici ce n’est guère optimiste. Dans ses romans, même s’il montre souvent les facettes les plus noires et dégueulasses de l’âme humaine, Pierre Bordage reste un éternel optimiste, faisant triompher bon gré mal gré le bien sur le mal, sacrifices et remises en questions inclus. Ici, l’ambiance est toute autre, depuis la toute première nouvelle jusqu’à la dernière, celle écrite justement pour le recueil.

L’humanité, que ce soit celle de l’auteur qui est visité par une historienne du futur, ou bien celle d’une société épurée et limitée à un nombre fixe d’individus, sans oublier ces « dernières nouvelles de la Terre », n’est plus que l’ombre d’elle-même. Elle est déchue, elle a beau avoir progressé technologiquement, avoir dépassé les limites de la matière, celles de la génétique, elle est infâme et notre Terre ne vaut plus grand chose.

Et autant on pouvait trouver dans les romans une lueur d’espoir, autant ici Pierre Bordage ne cherche pas à nous ménager en entrouvrant une petite fenêtre positive sur l’avenir. C’est noir, à la limite dépressif et ça se lit avec d’autant plus de plaisir que l’on n’attend pas le fameux retournement de situation qui va sauver le principal protagoniste de sa déchéance.

Bref : un splendide recueil de nouvelles qui laisse entrevoir la part sombre de Bordage et qui nous prouve une fois de plus qu’il est à l’aise dans tous les domaines, y compris dans celui, difficile, de la nouvelle.