Blind Lake – Robert Charles Wilson

Blind Lake, ou mon retour à l’écriture de Robert Charles Wilson dont j’ai tendance à collectionner les œuvres sans les lire ! Depuis Ange Mémoire, qui m’avait séduit, et les Chronolithes, une petite merveille qu’il faut que je relise, je les accumule : Spin, Axis, Bios, etc. mais je ne les lis pas ! Erreur corrigée pour ce qui est de Blind Lake, sorte de thriller scientifique se déroulant dans un futur proche.

Utilisant une technologie quantique qu’ils ne comprennent pas totalement, les scientifiques des complexes de Crossbank et Blind Lake observent des planètes extraterrestres distantes de la Terre de plusieurs dizaines d’années-lumière. À Blind Lake, Minnesota, Marguerite Hauser s’intéresse tout particulièrement à un extraterrestre qu’elle appelle « le Sujet », mais que tout le monde surnomme « le homard », à cause de sa morphologie. Et voilà qu’un jour, personne ne sait pourquoi, le Sujet entreprend un pèlerinage qui pourrait bien lui être fatal. Au même moment, l’armée américaine boucle Blind Lake et instaure une quarantaine qui tourne à la tragédie quand un couple qui tentait de s’échapper en voiture est massacré par des drones de combat. Que se passe-t-il à Blind Lake?

Un roman fort bien bâti et traitant d’une multitude de sujets avec une brochette de comportements humains très variée, chaque personnage étant doté d’une psychologie et d’un passif bien particuliers : du journaliste tailladé par son passé au père névrosé en passant par la bonhommie d’un ingénieur en charge de la maintenance des systèmes O/BEC et cette petite fille hantée par la « Fille Miroir ». Mais les cylindres O/BEC, qu’est-ce donc ? Ce sont les éléments principaux qui constituent l’Oeil assurant l’observation de ces deux planètes situées à des années-lumière de la Terre. Ces ensembles, qui se comportent de manière auto-évolutive, mêlant algorithmes génétiques et mécanismes d’auto-réplication ont pris la suite de l’ensemble Gallilée, une sorte de téléscope gigantesque dont les éléments, disposés en orbite géostationnaire, ont peu à peu cessé d’émettre. Malgré cela, les images arrivent toujours depuis l’espace… que se passe-t-il donc dans les O/BEC ?

L’auteur va tenter de répondre à cette question durant tout le roman au travers des interrogations des « prisonniers » du blocus de Blind Lake, se penchant tour à tour sur le rôle de chacun et sur son approche du blocus, du suivi du « Sujet » (doit-on respecter l’anthropomorphisme le plus neutre ? ou écrire un récit plus subjectif et sensible de ses agissements ?). Pendant ce temps, nul ne sait ce qu’il se passe dans le monde alentour et les divers personnages vont là aussi tenter de trouver des réponses jusqu’au dénouement final. Le livre est donc un entremêlement de problématiques globales (le Sujet, le blocus, le dehors, etc.) et locales (le blocus, les luttes d’influence, la vie au quotidien, etc.).

Le roman est un peu long à démarrer, posant les bases psychologiques nécessaires à une bonne complexité des relations humaines et à l’instauration d’un sentiment d’oppression du lecteur, mis en situation. Le rythme devient cependant de plus en plus palpitant, s’accélérant même de manière atroce sur les 80 dernières pages, générant une frénésie de lecture, une boulimie de pages, on veut connaitre le dénouement ! Dénouement classique au demeurant, laissant en suspens une foule de questions, selon la tradition bien Robert C. Wilsonienne !

Reste que cette lecture, malgré quelques imperfections et une certaine lenteur à l’allumage, est une petite merveille d’équilibre entre réflexion, action et subtilité quant à l’approche des comportements humains en milieu absolument clos. Un livre à lire, donc, même s’il ne bouleversera pas non plus votre vision de la SF. Au moins il vous évitera de lire les conneries en tête de gondole et vous aérera le crâne !