Les Tours de Samarante – Norbert Merjagnan

Oh tiens, encore un premier roman, comme Cygnis de Vincent Gessler dont je vous parlais il y a peu. Celui-là est sorti depuis bien plus longtemps et m’avait attiré l’oeil lors de sa sortie mais je viens tout juste de l’acheter et de le lire.

Autour de la cité de Samarante sur laquelle veillent six tours mystérieuses, s’étend l’aliène, une étendue sauvage, aride, inhospitalière. C’est par là que la guerre viendra il n’y a pas d’autre accès. Au cœur de la ville vivent Cinabre, une préfigurée aux pouvoirs effrayants, bientôt poursuivie par les tueurs de Endocène, et Triple A, qui rêve d’escalader les tours. C’est vers eux, sans le savoir, que se dirige Oshagan, le grand guerrier, porteur de la plus puissante des armes, une forme- de guerre disparue depuis mille ans. Quand ces trois êtres entreront en collision, alors trembleront les Tours de Samarante.

Bienvenue dans un monde que l’on devine post-apocalyptique et où l’on compte non pas une, mais deux Antiquités. La première est celle que nous connaissons… la seconde, c’est en fait nous, tout simplement. Comme on peut aisément l’imaginer, l’humanité a réussi à réaliser ce qu’elle semble chercher depuis quelques siècles : maîtriser de manière quasi-absolue la science, la matière et l’utiliser dans un but d’auto-extermination. Dîtes bonjour aux armes climatiques ! La Terre ne s’en est évidemment pas très bien remise, l’eau de pluie ou de source est presque inexistante et il faut aller la récupérer en profondeur. L’Humanité s’est donc scindée en plusieurs tendances : d’un côté les Cités, de l’autre les tribus nomades de l’aliène. D’un côté une technologie parfaitement maîtrisée et de l’autre une vie nettement plus frustre mais malgré tout marquée par les technologies modernes datant de la fin de la seconde Antiquité.

Samarante est l’une de ces villes conçues de telle manière qu’aucune Cité n’est complètement indépendante et dépend des savoir-faire des autres afin qu’une paix durable existe et qu’aucune velléité de conquête ne vienne à renaître des cendres du climat. C’est aussi à Samarante que l’on se rapproche le plus vite de ce qu’on appelle le Seuil : le moment exact, daté précisément, où l’Humanité franchira d’un coup d’un seul un cap d’évolution vers une nouvelle espèce, survivante de nos errances passées. Et pour cela tout est bon : l’Humane crée des êtres humains préfigurés dotés de capacités particulières, la biogénie est partout, la haute-technologie aussi, tout comme la surveillance quasi-absolue de la Cité au travers des gorgones et de leurs milliers d’yeux. Et c’est donc dans ce cadre que les trois personnages décrits ci-dessus vont s’entrechoquer à coups d’armes climatiques et d’une intrigue qui gagne en profondeur à chaque page qui s’achève.

Au delà de cet univers assez particulier et à vrai dire inédit si l’on excepte le postulat post-apocalyptique, l’auteur s’en sort parfaitement bien au niveau de l’écriture et plus encore des descriptions des sentiments. Reste qu’il plonge parfois dans le hard-science et nous perd dans des formules de style qui desservent le récit en nous emmêlant dans des enchaînements de phrases illogiques et un brin trop flous. Enfin, tout cela reste parfaitement compréhensible et accessible pour peu que l’on s’y mette consciencieusement ! Tant sur le fond que sur la forme, ce premier roman fait montre d’une belle maîtrise, brossant le portrait d’un futur tangible et réaliste quoique lointain. Restent ces quelques passages un peu ardus qui tranche avec l’efficacité brute du reste du roman, donnant un équilibre un peu instable mais finalement très plaisant.