Essai – Ford Mustang V8 GT Fastback

Ford Mustang. Dans le genre légendaire et mythique, il est difficile de faire mieux (Corvette ?) ou même plus simplement d’égaler l’aura de cette voiture si singulière. La Ford Mustang, ici en version V8 GT, en est à sa sixième génération et elle arrive désormais officiellement sur nos terres européennes sans passer par la case « import ». Voiture globale pour mythe global et adaptation par conséquent aux temps et contraintes modernes : la Ford Mustang veut satisfaire le monde entier et aller encore plus loin dans le mythe sans perdre son âme au passage. Pari réussi ? 555 km plus tard, il est temps de répondre à la question.

Lors de la récupération de la voiture, j’ai réussi tant bien que mal (la fatigue aide pas mal) à contenir mon sourire de gosse pour me glisser posément dans l’habitacle de la voiture. Peu de temps devant moi, direction le centre de Paris et ensuite la Normandie. C’est une fois là que je prends le temps d’observer ces lignes que j’ai trouvées fades lors de leur révélation. Je m’étais à l’époque laissé dire par ceux présents sur place qu’il fallait la voir en vrai pour l’apprécier. Je confirme : les photos statiques de l’époque ne lui rendaient pas vraiment service et cette nouvelle Ford Mustang est en réalité réussie esthétiquement.

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Profil fastback, forcément puisque c’est son nom… Les lignes arrière tombent rapidement sur les feux à triple griffe entourant le grand logo « GT » qui trône au centre d’une belle pièce noire laquée. Le bouclier arrière est plutôt massif, tombant ensuite sur un diffuseur intégré et s’élargissant sur les ailes, massives et musculeuses aussi, sans trop en faire. Bas de caisse noirs, roues noires, le mélange de la carrosserie sanguine oscillant entre le rouge et l’orange avec ces éléments sombres est de toute beauté.

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En remontant vers l’avant, on note le classique 5.0 en amont des roues avant et c’est ensuite l’interminable capot avant, bien rempli justement par le V8 5.0L que l’on découvre. Là-aussi, cela change pas mal puisque le regard, bien qu’indubitablement Mustang, est un peu plus dans la lignée des Ford modernes, Mondeo/Fusion en tête. Le capot reste nervuré en veux-tu en voilà et le museau est agressif, abritant une belle ouverture noire où trône le poney lancé au galop. C’est beau.

Dois-je en dire plus ? Je ne crois pas. Simplement conclure en disant que définitivement, cette Ford Mustang a une belle allure, moins brutale et bourrin que la quatrième génération, plus moderne et fluide tout en gardant du muscle là où il en faut grâce à l’usage de belles lignes tendues sur le capot, le bas de caisse et le splendide enchaînement de lignes entre la ligne médiane des portières, celle des ailes et la ligne de toit.

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Passons à l’intérieur, maintenant. Ici aussi, ça change pas mal par rapport à la génération précédente et on va poser très vite un nombre avant de commencer : 42.000€. Il s’agit du prix de base de cette Ford Mustang V8 GT. Oui oui, un peu plus de 40k€, très exactement 46.100€ pour le modèle que vous voyez en photos. Pour le dire autrement : trouvez-moi une voiture (neuve) avec une V8 de 421 chevaux pour ce prix là… Bon, cela ne veut pas dire que tout est acceptable à ce prix là mais il faut toujours conserver cette valeur en tête quand on critique l’habitacle de la nouvelle Ford Mustang. Un peu comme la nouvelle Corvette, d’ailleurs.

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La première impression est globalement positive, avec un mélange de matières et de coloris qui fonctionne bien. Les baquets Recaro recouverts de cuir, optionnels et offrant un très bon maintien, sont splendides bien qu’intégralement en réglages manuels (un peu gênant au vu du tarif pratiqué, 1800€). Le volant est également agréable à l’œil avec son cerclage de cuir et le double bâton chromé dans sa partie basse. Au centre en revanche, le rappel du Mustang et le plastique de l’airbag sont un peu cheap. J’aurais apprécié un effort supplémentaire sur ce point, surtout en considérant le véhicule et l’animal en question ! Pour le reste de l’habitacle, à dire vrai, ce sentiment partagé demeure avec de beaux efforts et quelques matières vraiment laides. 42k€.

Dans le détail, on note ainsi de beaux cuirs dans les flancs de portière, bordés de plastiques quelconques mais avec des boutons à contrario de bonne qualité ! Un beau pommeau de vitesse avec un frein à main quelconque qui vient se loger dans un décroché assez laid du tunnel central. Je parlais du volant avec sa jolie jante ronde et quelques beaux boutons, le moyeu central est décevant quant à lui. Les compteurs ? Rien à redire pour ce qui les concerne avec les anachroniques inscriptions « Ground Speed » et « Revolutions Per Minute », délicieuses. La planche de bord se pare quant à elle de chrome mais les trappes d’aération dénotent ! Les comodos, enfin, sont bien fichus et adoptent un style résolument différent du stick rond que l’on voit partout ailleurs.

Vous le sentez bien que je chipote un peu ? Certes. Cette profusion de boutons et autres m’amène en tout cas à un constat très flatteur sur cette nouvelle Ford Mustang et sur le fait qu’elle puisse définitivement être utilisée au quotidien de manière aisée : son niveau d’équipement est extrêmement complet au vu du tarif demandé, au détriment donc de certains matériaux peut-être. Ford n’est pas magicien, personne ne l’est dans l’industrie automobile.

Cela m’amène d’ailleurs à l’écran tactile qui trône au centre de l’habitacle, équipé du système SYNC II. Pour faire simple : j’aime beaucoup la disposition en quatre sections de l’accueil mais la réactivité de l’écran laisse un peu à désirer. En revanche, j’adore cette partie de l’habitacle avec ses boutons au style rétro assumé et les différents contacteurs type aviation pour changer les modes de conduite, de direction ou d’ESP.

En parlant de choses un peu étranges et folles et inutiles à la fois, j’ai nommé ce que l’on peut afficher sur l’écran central, entre les deux compteurs : des trucs de trajet, ok… la température de la tête du cylindre, what ?!… le ratio air / carburant, moké… oh et puis on peut faire plein de mesures comme le 100-0 ou le 200-0, histoire de bien faire travailler les Brembo 6 pistons ! Plein de choses (in)utiles donc mais qui font sourire.

On continue dans les menus détails une dernière fois avec le V8 un peu trop camouflé à mon goût, un coffre très honorable en terme de volume et enfin le petit cheval qui court sous le rétroviseur, de quoi là-aussi se donner le sourire tous les matins !

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Bon bon bon, on va parler glouglou maintenant. Rien à voir avec Astérix, plutôt une question de bloc V8 5.0L doté de jolies valeurs de puissance et de couple : 421 ch et 540 Nm avec un régime maximal à 6500 tr/min environ. Autrement dit des chiffres de V8 américain un peu à l’ancienne et avec une consommation honorable pour peu qu’on ne le taquine pas trop, tout le temps. Bilan de mon essai : 14.5 L/100. Franchement, je m’attendais à bien pire ! Et donc, glouglou ? Oui, tellement.

Appui sur le bouton de démarrage et le V8 s’ébroue dans un grondement sourd qui fait frissonner l’oreille. Le ralenti reste assez sage et Ford n’en a pas trop fait non plus du côté de sa maîtrise de l’échappement, un poil plus présent en mode Sport+ et Piste. Dans les tours, aucune doute possible : c’est un V8 américain ! Le grondement enfle jusqu’à la zone rouge et la poussée ne s’arrête jamais, alternant entre le couple et la puissance selon le régime en cours. Fait intéressant aussi, le couple de camion permet de doser tranquillement à moins de 2000 tr/min dans un doux grondement. Pas besoin de la faire hurler pour avancer dans un environnement sonore positif pour le passionné d’automobile mais sans réveiller la terre entière non plus.

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Les premiers kilomètres à bord sont dans tous les cas prudents et attentifs sur les remises de gaz. Malgré son gabarit imposant et son nez conséquent, la Ford Mustang se manœuvre facilement en région parisienne, bien aidée par une direction souple en mode Normal, qu’il faut absolument passer en mode Sport une fois la circulation citadine évacuée car le mode Normal se montre alors bien trop flou et désagréable tandis que le Sport est un bon compromis entre directivité et réactivité. Le même constat de polyvalence s’impose quant à l’embrayage, définitivement la bonne surprise de cette voiture grâce à une course et une pédale bien dosées : plage de patinage et raideur de la course permettent d’aborder les bouchons sans aucune peur de crampe mais ne grèvent pas pour autant la conduite sportive. La boîte assume en revanche sa rudesse avec des courses assez courtes et des verrouillages bien rudes. Normal, pour une sportive dotée d’une boîte qui se doit d’être robuste face à la cavalcade du V8. Cela se montre en tout cas agréable quand le rythme augmente avec des guidages de qualité et ce compromis course courte / verrouillage qui va bien ! Pour les bouchons, ma foi on décompose et on remercie Ford d’avoir justement bien travaillé sur l’embrayage.

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Pour le freinage en revanche, un certain temps d’adaptation est nécessaire tant la sensibilité de la pédale et de la friction est réelle. Cela « mord » et on peut se retrouver parfois un peu surpris. Le pli se prend vite et cette bonne consistance de la pédale est un élément rassurant quand le rythme augmente et qu’il faut stopper les 1700 kg de la voiture en ordre de marche avec le baquet de gauche occupé (c’est mieux). Ce qui m’amène à la question suivante : peut-on attaquer avec cette Ford Mustang V8 GT ? La réponse est oui. Avec un modulo sur le style de conduite car il y a effectivement marqué « GT » dans la question !

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Cette sixième génération de Ford Mustang abandonne l’archaïsme des trains roulants américains pour adopter ce qui se fait de mieux ou presque en terme de liaison au sol : un train arrière multibras et non plus un machin à lames ou un pont rigide tellement incompatible d’une propulsion avec « trop » de couple qui voudrait aller vite ! Le comportement de l’auto s’en ressent fortement et rejoint le constat déjà fait sur Corvette : c’est une vraie voiture désormais, un truc avec lequel on peut mettre du gaz autrement qu’en ligne droite (et encore). Le train arrière conserve évidemment une propension à faire tourner l’auto et vous n’aurez aucun mal à rôder ou finir vos pneus sur toutes les intersections pour peu que vous désactiviez l’ESP ou passiez en mode Sport+ pour un peu plus de permissivité sans ôter toutes les béquilles. En revanche, pour peu que l’on soit progressif et propre, la nouvelle Ford Mustang n’est plus un monstre piégeur mais bien une voiture dynamique et efficace en courbes (vraiment !) et si cela veut certes dire qu’elle perd un peu de son caractère d’origine, cela va aussi dans le bon sens pour éviter les voitures à l’état d’épave.

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La comparaison avec la Corvette s’arrête d’ailleurs ici et c’est là qu’intervient la dénomination « GT » dans le nom de cette Mustang. Si les deux constructeurs ont choisi d’opter pour des définitions de trains modernes, Chevrolet a clairement fait le pari de l’ultra performance avec un pack Z51 de série pour l’Europe et une voiture très technologique et performante. Ford choisit à mon sens une autre voie avec ce V8 plein de couple et assez old-style pour ce qui est de la rage. Première, plein gaz, les pneus laissent une trace au sol et le capot se lève vers le ciel tandis que la voiture se cabre comme une brute à l’accélération. Première, seconde, troisième, toujours le Mustang qui se cabre et le silence se fait dans la voiture à coup sûr ! La boîte enchaîne les rapports et l’allure est illégale, ça glougloute dans tous les sens, le sourire s’étend d’une oreille à l’autre et les regards s’écarquillent aux alentours en hurlant « WOUAH LA NOUVELLE FORD MUSTANG 2015 ».

Reste qu’à l’attaque de zones sinueuses, le poids de la bête se fait sentir et le tarage des suspensions, plutôt souple et la rendant largement vivable sur de longues distances, se manifeste. La voiture se tasse sur ses suspensions et se place sur les freins, la caisse étant finalement assez mobile et prenant un léger roulis sur les transferts de courbe en courbe. Ces enchaînements de courbes rapides se font sans appréhension particulière mais on sent tout de même bien les gommes travailler pour contenir la masse conséquente de l’auto. La direction aide d’ailleurs bien dans ce domaine avec de bons retours du train avant et un côté très prévenant du train arrière sur le sec au travers des Recaro. Les freins endurent, endurent mais je pense là-aussi qu’une utilisation encore plus intensive en aura rapidement raison. La Ford Mustang V8 GT en définition série est certes conçue pour être tout sauf ridicule en usage intensif mais ce n’est pas non plus un foudre de guerre et la circulation à grosse allure lui va mieux que l’attaque intégrale, sans parler du gras où clairement, elle conserve un GROS potentiel au survirage.

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Alors, le bilan de cette nouvelle Ford Mustang est-il positif ? Oui, assurément oui, évidemment oui, heureusement oui ! Si le caractère dynamique de l’auto change drastiquement et rejoint désormais ce qui se fait en terme de standards de conception d’une voiture « sportive », la gueule est toujours là, l’énoooorme machine à glouglou qui occupe tout le capot également, il y a de quoi faire enrager n’importe quel acheteur d’allemande, qu’il s’agisse d’un coupé ou d’un SUV bétaillère avec cette voiture ! Le compromis est à mon sens parfait, entre modernisme nécessaire à une vente mondiale du modèle et traits du passé, V8, grosse boîte méca et glouglou en tête, ceci avec un habitacle louchant lui aussi entre le moderne et le bordel.

L’ensemble est finalement plutôt homogène, générateur quotidien de sourires dans l’habitacle mais également en dehors. Certaines voitures font tourner les têtes et j’en essaie à dire vrai régulièrement. Cette Ford Mustang est un cran au-dessus, largement au dessus même. Je n’ai pas compté les sourires, les pouces levés, les bouches ouvertes, les demandes de photos, les discussions passionnées, les demandes de renseignements et ainsi de suite mais le bilan est évident : c’est la première fois en cinq années d’essais qu’on me parle autant de la voiture que j’essaie, qu’on vient la voir, qu’on demande des informations et que j’entends autant de vieux que de jeunes dire « wow ! ». La passion automobile au sens premier du terme, c’est ce que j’ai ressenti avec cette voiture qui aimante plus encore qu’une Ferrari ou une Porsche. C’est dire.

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42k€ pour ça. Vous êtes tarés, Ford, vraiment tarés et merci pour ça. De quoi dire un gros « merde » à toutes les berlines chiantes qui pullulent sur nos routes, sans même parler des versions sportives facturées à prix d’or et finalement peut-être un peu moins polyvalentes que cette grosse bête orange. Doit-on parler alors de la version EcoBoost qui attaque à 35k€ ? Assurément. Ce sera pour un prochain essai ! En attendant, je retourne à d’autres essais, sympathiques et excitants bien sûr mais assurément, la Mustang et la Corvette m’ont offert toutes deux et chacune à leur façon une part de mythe automobile qu’il est difficile d’égaler.

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