Essai – Ford Focus RS

Il y a quelques années, alors même que ce blog commençait tout juste son existence, je bavais en voyant passer les Ford Focus RS de seconde génération. D’ailleurs, quand j’y pense, je bave toujours quand j’en vois une. Il aura fallu attendre 4 ans après l’essai de la Ford Focus nouvelle génération pour voir revenir ce petit monstre dans le paysage automobile. L’heure d’un essai était enfin arrivée, pour mon plus grand plaisir.

La marque à l’ovale bleu, plutôt en verve avec ses versions ST réussies, sa nouvelle Mustang délicieuse et une GT qui s’annonce tonitruante, n’a pas fait les choses à moitié pour sa nouvelle Ford Focus RS. Adieu la traction, bienvenue la transmission intégrale ! La puissance fait également un bon en avant pour compenser l’ajout de masse et venir jouer dans la cour des grandes en toute décomplexion ! La cible est claire : oublier dans un sillage de gomme les tractions de 300 ch et venir boxer les Audi RS3, A 45 AMG et autres BMW M2. Soit.

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Avant de parler mécanique ou même de l’intérieur, je m’attarde sur la robe, grise et pailletée sur mon modèle d’essai. J’aurais préféré une version bleue étincelante pour les photos mais ce gris permet d’apprécier ce mélange de sobriété et d’exubérance qui caractérise les Ford Focus RS. Née Focus et donc petite berline à tout fait, elle en conserve une certaine discrétion. Néanmoins, Ford ne fait pas les choses à moitié et les connaisseurs la reconnaissent et poussent des oh et des ah à sa vue !

Il faut dire que du côté de la face avant, il est impossible de rater la gueule béante, encore plus marquée sur la version restylée de la Focus ST. Le blason RS trône sur une plaque d’un joli noir mat que l’on retrouve au niveau des pseudo prises d’air avec antibrouillards. La lame inférieure conclut le tour, dessinant une seconde bouche noire dans laquelle le bitume semble vouloir disparaître. Si l’on rajoute un regard encore un peu plus affuté depuis le facelift avec feux de jour, on récupère une face avant bien expressive et vilaine. Elle a de la gueule, cette Ford Focus RS.

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Au delà des passages de roues généreusement élargis, la Ford Focus RS se démarque des versions plus sages avec ses roues spécifiques et ses gommes Pilot Super Sport en 19 »qui abritent à l’avant des pinces Brembo à quatre pistons peints du même bleu (en option) que la gamme « Ford Performance » et que le logo RS. Pas de jupes gigantesques en revanche, c’est en ça que la voiture reste plutôt sobre de ce point de vue, se démarquant clairement par son côté rabaissé, ses belles roues mais rien de plus.

Oh, j’oubliais l’aileron. Une Ford Focus RS, ça a un gros aileron et cette troisième génération ne déroge pas à la règle de la belle lame bien intégrée à la caisse ! Il y a également une double sortie d’échappement plutôt massive, deux pétards partiellement intégrés au diffuseur lui aussi plutôt imposant. Les pétards sont de sortie mais dans l’ensemble, cette arrière-train est assez sage par rapport à la gueule béante de l’avant. Peut-être une volonté de Ford de montrer à ceux qui voudraient suivre la RS qu’ils sont en train de se faire enrhumer par une « simple » Focus.

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A l’intérieur, je vis dans cette nouvelle Ford Focus RS une double découverte. Je ne suis pas monté dans une Focus depuis bien longtemps, aussi n’avais-je pas encore essayé la version faceliftée et très nettement simplifiée de l’habitacle ! En sus de tout cela, il y a bien sûr la touche RS.

L’ensemble est de bonne facture. Je ne sais pas si cela correspond à des souvenirs erronés mais j’avais en tête pour la Focus des plastiques pas forcément fabuleux. Sur cette version faceliftée, les matériaux et assemblages sont de bonne qualité, trahissant toutefois un certain âge pour ce qui est de la conception. Il ne faut pas oublier que la Focus est née en 2012 et est donc dans la seconde partie de sa vie.

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L’un des principaux défauts de la Focus, d’autant plus sensible au fil de l’évolution des autres voitures, était le nombre monstrueux de boutons couvrant la console centrale ainsi que le volant. Du côté de ce dernier, il reste encore un peu de travail avec des boutons que je trouve un peu grands et pas super sexu pour l’inférieur gauche mais qui sont limités malgré tout aux fonctions « utiles » quand on tient le volant. La jante de dernier, surpiquée de bleu, est à la bonne taille en terme de section, moins en terme de diamètre. J’étais sûrement un peu pollué par mon essai de la Caterham 355R mais tout de même, ce volant de Focus a un peu la taille de celui d’une camionnette.

La console centrale s’est quant à elle vraiment bien épurée ! Il était temps ! On retrouve donc l’écran tactile SYNC déjà vu dans la nouvelle Mustang et sur lequel je ne reviendrai donc pas en détails. C’est pratique, bien fait et très complet, j’aime bien l’interface choisie par Ford même si l’écran est un peu trop rentré dans la console centrale, surplombé par les petites jauges RS : pression et température d’huile, pression du turbo.

Le tunnel central n’a pas beaucoup évolué dans mes souvenirs. J’ai en revanche trouvé quelques intentions très bien faites de ce côté-ci : un beau vide poche aimanté avec 12V/USB et des passages de câble ; enfin un vide poche au centre avec barrettes de réglages, idéal pour caler le smartphone ou autre au millimètre afin qu’il ne vole pas partout dans l’habitacle !

Du côté du « RS » de la Ford Focus RS, la marque a reconduit dans son petit monstre des baquets Recaro surpiqués d’un beau bleu et toujours aussi enveloppants ! Pour un gabarit comme le mien, c’est parfait en toutes conditions. En revanche, pour les enveloppés, je pense qu’ils sont un poil trop serrés pour être confortables et adaptés à de longs trajets. C’était le cas dans la Fiesta ST, dans la Focus ST, c’est fort logiquement le cas dans la Focus RS. Pour le reste : ils sont parfaits. Confortables, dotés d’un maintien parfait pour moi, c’était un point important dans ma satisfaction vis à vis de cette voiture qui assume le RS de son patronyme et livre des baquets sans trop de concessions mais avec une position de conduite typée « haute » même au réglage mini ! Dommage, ça va avec le volant ceci dit… Rien de dramatique au final.

Le levier de vitesse se gaine lui aussi de cuir et de bleu. Oui, Ford a choisi pour la Focus RS une boîte mécanique à six rapports, pied de nez assumé à la tendance générale qui veut coller des boîtes séquentielles plus ou moins réussies dans les véhicules sportifs, renforcé par le frein à main tout à fait manuel juste à côté ! Le levier de boîte est un peu bas par rapport au volant à mon goût et ses débattements sont un peu longs. Là-aussi, je ne sais pas si ce sont les souvenirs de la Cat’ ou si c’est bien le cas, ça m’a semblé un poil long tout de même. Guidage et verrouillages sans défaut, en revanche, ce qui rend la chose au final bien convaincante.

Elle est longue cette revue de l’intérieur hein ? Allez, je termine avec les modes de conduite dont la sélection se fait au pied du levier de vitesse. ESC ON, ESC Sport, ESC OFF, tout est possible. Pour la conduite : Normal, Sport, Circuit et le fameux Drift. La mode Circuit active par défaut le mode sport de la suspension mais il est possible de l’activer à tout moment grâce à au comodo situé à gauche du volant. Voilà pour la configuration de l’auto, que l’on peut donc paramétrer très rapidement selon ses envies.

En résumé, cet habitacle de la Ford Focus, assez profondément remanié à l’occasion de la mi-vie du véhicule, est réussi bien que souffrant encore un peu de choix initiaux qu’un facelift ne saurait intégralement gommer. Les parti-pris de Ford, quelque peu à contre courant des autres constructeurs (limitation des boutons, écran tactile, etc.), sont encore sensibles ici. Nous verrons comment cela évoluera par la suite sur de nouveaux modèles.

Pour ce qui concerne la partie « RS », les éléments fondamentaux sont là avec de fantastiques baquets (pour mon gabarit) et des commandes bien faites pour la sélection de mode. Avec un volant un tout petit peu plus petit, ce serait parfait !

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Moteur. Le quatre cylindres turbo s’ébroue en grondant tranquillement. Le ralenti joue sur une note basse de grondement, se montrant à la fois discrète et bien audible. Quelques vocalises avec le mode Sport permettent de voir que l’échappement sonne plutôt bien mais ne se montre pas terriblement communicatif pour autant. On est bien loin des trompettes AMG ou Audi RS ! Quelques pétarades se font généreusement entendre à la montée ou à la descente des rapports mais dans l’ensemble, cette double sortie est plutôt sage. Je ne suis pas véritablement déçu car l’Audi RS3 m’avait un peu fatigué à l’usage, il faudrait tout de même un peu plus de « son » en sus de ce caractère bien rauque pour me convaincre complètement, un peu comme sur la Mustang EcoBoost en somme.

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Je commence mon essai en mode Normal, alternant sessions rapides et tranquilles, portions de ville ou d’autoroute, sans velléités particulières. La Ford Focus RS se montre prévenante, extrêmement vivable à dire vrai. Les débattements relativement longs de la boîte ne sont pas du tout un problème, l’embrayage se montre également assez équilibré entre course pédale un poil longue et point de patinage. La suspension et la direction, enfin, sont fermes sans se montrer dures ou inconfortables. Si l’on excepte les logiques bruits de roulement des gommards Michelin, la Focus RS peut bien facilement se vivre au quotidien, n’étant finalement pas si extrême que ça pour le dos et les bras.

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Le bloc 4 pattes EcoBoost 2.3 L de la Ford Focus RS développe 350 ch à 6000 tr/min et 470 Nm disponibles quant à eux à 2000 tr/min. Autant vous dire qu’il y a matière à enrouler tranquillement, sur le couple. Bon, ce n’est pas vraiment le but. Il se passe quoi du côté du moulin quand on taquine la pédale de droite avec les modes Sport / Circuit / Drift activés ?

Le 0-100 est annoncé en 4.7 secondes et la vitesse maximale est de 266 km/h. L’étagement de la boîte met le fond de 2 à 90, la 3 à 130, la 4 vers 180 et pour la suite, vous imaginez bien. Le fait est que le moteur EcoBoost 2.3 L est très linéaire dans sa poussée, jouant bien du couple et de la puissance pour délivrer la mise en vitesse et il ne se passe d’ailleurs plus grand chose après 6000 tr/min, pile quand le logo « RS » s’affiche sur le compte-tours. Un aveu ? L’auto pèse en tout cas presque 1600 kg, tout comme une RS3 ou une A 45 AMG mais je l’ai trouvée un chouïa moins explosive. Le bloc 2.3 L n’est pas la bouche à feu qu’est le cinq cylindres Audi.

Notons bien qu’il ne démérite absolument pas ! Les relances sont très convaincantes, la mise en vitesse est du genre méchante et la consommation moyenne n’est pas fracassante avec 14.4 L/100 sur les 650 km de cet essai. C’est donc un excellent moteur, je l’avais déjà vu sur la Mustang mais je crois que j’attendais un côté « pétard » en plus sur la Focus RS que je n’ai pas forcément trouvé.

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Du côté des freins en revanche, je n’ai strictement rien à dire. Vraiment rien. Ils sont parfaits. Toucher de pédale parfait avec juste ce qu’il faut de course au début pour doser en usage quotidien mais une attaque très franche ensuite et une belle consistance pédale. Les pinces avant génèrent de très fortes décélérations qui rendent appréciable le fait de tenir le volant ! Les gommes Michelin ne sont bien sûr pas en reste et participent de cet effort mais globalement, la Ford Focus RS donne vraiment confiance quand il s’agit d’enchaîner de fortes décélérations. C’est ce qu’on appelle des freins cohérents du souffleur placé sous le capot !

La direction est du même acabit avec une consistance correcte en mode Normal, nettement plus franche en Sport et autres. Les remontées d’informations sont claires et la raideur du retour de force est rassurante. Les bras sentent bien ce qu’il se passe du côté des pneus avant qui se mettent parfois un peu à chanter, à la limite ! C’est de l’excellent travail car on arrive vraiment avec cet ensemble direction / freins à placer la voiture au millimètre et en confiance.

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Il faut aussi dire que la Ford Focus RS est livrée avec un châssis et une transmission touchant à la perfection pour ce qui est du jeu, des sensations de conduite et d’un compromis vie / efficacité parfaitement abouti. Au contraire d’une RS3 qui sacrifie quelque peu les sensations au profit de la vitesse et d’une efficacité permanente, la Focus RS n’oublie jamais son conducteur.

Elle est vive, très vite ! Si le train avant se montre incisif et directif, le train arrière se montre baladeur sur demande ! Le système de transmission intégrale développé par Ford est singulier dans sa définition technique (l’avenir dira s’il vieillit bien), autorisant 70% de passage de couple sur le train arrière et l’intégralité de cette puissance sur la roue droite ou gauche en fonction du calcul vectoriel du moment.

Le fait est que cette transmission n’hésite absolument pas à faire la bascule d’une roue à l’autre et d’un train à l’autre, de manière tout à fait sensible ! Ainsi, la Ford Focus RS a une réelle propension au survirage maîtrisé et maîtrisable en sortie de courbes resserrées. Le sous virage n’existe pour ainsi dire pas avec elle, à moins d’être un gros gros sale. C’est un tel régal de l’envoyer de courbe en courbe, avec un grip latéral vraiment impressionnant sur certains des secteurs où j’ai l’habitude d’évoluer.

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Et donc, joueuse ? Vive ? Oh oui. Si elle sait aller très vite en toutes circonstances, elle est aussi bien vivante ! C’est tout à fait le genre d’auto qui me rappelle une MRS ou une Peugeot Sport, avec un train arrière bien mobile et des remontées de sensations dans les reins qui indiquent tel ou tel placement de l’auto. Les transferts de charges sont bien sensibles et la voiture se montre tout sauf piégeuse. En revanche, mal menée, je pense qu’elle pourra se montrer piégeuse.

Il faut la mener proprement pour en tirer tout le potentiel mais aussi et surtout pour la garder sur la route. Un excès d’enthousiasme se paiera nettement plus cher que le même réalisé au volant d’une RS3. La Ford Focus RS se veut donc nettement plus puriste dans son approche du jeu de la route que certaines de ses concurrentes, tellement plus joueuse et sacrifiant bien sûr un peu de la vitesse « efficace » dont elle est capable au service d’un plaisir de conduire très pur dans sa définition.

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Autrement dit, la Ford Focus RS est particulièrement enthousiasmante à conduire, communicative à souhaite et vivante ! Son seul défaut finalement à mes yeux est l’absence d’un troisième mode de réglage de l’amortissement. En mode Normal ou Sport, la suspension est très vivable et se montre très efficace sur routes bosselées. Les mouvements de caisse sont néanmoins perceptibles mais participent d’une certaine manière à la très bonne perception de ce que fait l’auto sur ses enveloppes.

En mode Circuit ou avec la suspension mise sur « Sport » et avec quelque chose comme 40% de raideur en sus, il faut en revanche totalement oublier les routes dégradées. Ce mode est très clairement fait pour les billards d’asphalte que l’on trouve en général bordés et vibreurs et rarement sur les routes ouvertes. Les mouvements de caisse sont nettement plus limités et l’amortissement est bien plus raide. Le problème est qu’il y a sur secteurs bosselés de grosses restitutions en vertical. On se retrouve donc balloté à l’intérieur et la voiture pompe également en vertical de manière caricaturale et c’est tout sauf efficace sur la route mais aussi néfaste pour la confiance.

Bref : il manque un troisième mode d’amortissement, à mi-chemin entre les deux modes existants, ceci afin d’avoir un tout petit peu plus de rigueur à l’attaque sur le bosselé mais sans tomber dans le côté « bout de bois », quant à lui réussi mais plus adapté au circuit.

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Au final, cette Ford Focus RS est sûrement un brin moins rapide que la concurrence, boîte manuelle oblige et quelques chevaux en moins obligent également. Il n’empêche qu’elle est terriblement jouissive à conduire, communicative à souhait, vivante et efficace. Avec une boîte séquentielle réussie, elle serait diabolique mais perdrait sûrement un peu de cette singularité qui lui va si bien.

Il n’y a en tout cas rien à retoucher du côté des freins, de l’équilibrage des modes et du comportement de la transmission intégrale. Y compris en mode Drift. Oui, j’ai testé rapidement et c’est totalement stupide dans le bon sens du terme ! Il reste à trouver un petit compromis supplémentaire du côté de l’amortissement pour rendre cette Ford Focus RS tout à fait imbattable.

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Imbattable ? J’ai oublié l’argument massue : le pognon. La Focus RS est disponible à partir de 39.600 €. Allez, en forçant un peu sur la peinture, les roues et petits packs d’options à 400/500 €, on vient toucher les 45 k€ ! C’est le prix d’une 308 GTi bien équipée. C’est encore 12 k€ que l’Audi RS3 « de base », sans parler des 10-15 k€ d’options qu’on peut vite rajouter chez nos voisins allemands !

Bref, ne cherchez pas, vous ne trouverez rien d’équivalent à ce prix là. Foncez !