Essai – Caterham 355R

5 ans sans mettre mon postérieur dans une Caterham, 5 ans depuis ce fantastique tour du lac de Côme dans une R300 à peine homologuée route. Il était plus que temps de combler ce manque et d’essayer les nouvelles productions du petit constructeur anglais ! Voici donc l’essai de la Caterham 355R, déclinaison pistarde de la nouvelle Caterham 355, au milieu de la gamme désormais pléthorique et bien découpée du constructeur.

En effet, depuis quelques années, Caterham a (re)structuré sa gamme et créé de nouvelles approches de son modèle phare. Depuis la fondation en 1959 et la cession par Colin Chapman des droits de production de sa Lotus Super Seven en 1973, la marque a toujours commercialisé le même modèle, ne variant finalement que peu. Depuis 2013, tout change et rien ne change : le modèle emblématique reste, la gamme s’étoffe, les approches divergent mais la philosophie reste la même ; celle de l’inventeur de cette auto et celle du créateur de Caterham qui l’aura peaufinée des décennies durant.

Il y a ainsi 6 Caterham au menu anglais : 160, 270, 310, 360, 420 et 620. Une fois le Channel franchi, il nous reste les versions homologuées suivantes : 165, 275, 355 et 485 ! Il est aussi possible d’avoir une 620 mais pour un usage strictement réservé au circuit. La 310 de son côté est toute neuve, venant se positionner au centre de la gamme, à l’équilibre entre puissance et sécurité, toujours avec plaisir. A voir si elle franchit la Manche, rien n’est communiqué pour le moment. Voilà qui ferait donc de la 355 et plus encore de la Caterham 355R un petit diable à la frontière de la piste et de la route ? Voyons voir ça…

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A l’extérieur, impossible de juger. Qu’est ce qui ressemble plus à une Caterham qu’une Caterham ? La silhouette est familière, bien connue, ramassée et surtout incroyablement basse. On oublie souvent à quel point les véhicules modernes sont gros, grands, gras. La Caterham 355R est fine, basse, réduite à l’essentiel. Comment la reconnaît-on ? A quelques détails.

Le nez avec le blason constructeur n’est pas spécifique, le regard si caractéristique non plus, le 7 issu de la Super Seven est toujours là sous la grille et les jolies ailes de roue en carbone sont splendides. La décoration de ce modèle d’essai est splendide, à dire vrai. Le gris ni trop sombre ni trop clair absorbe bien la lumière et fait ressortir les bandes et détails orange, tranchant aussi avec le carbone des ailes et de la protection des ailes arrière. Vraiment élégante et racée, ainsi décorée ! Total de la personnalisation : 1700€. Raisonnable au vu du résultat.

Mais alors, où est la différence ? Il faut regarder du côté des petites roues spécifiques et chaussées de gommes Avon pour avoir un premier indice. Le second indice, c’est bien sûr la mention explicite « Seven 355R » sur les flancs du capot percé de nombreuses ouïes. Même constat à l’arrière avec le même affichage explicite de la nature de la voiture : c’est une Caterham, c’est une Caterham 355 et elle est dotée du pack R. Les changements visuels sont donc peu flagrants, se limitant plus aux roues spécifiques car pour le reste, c’est bien sous la peau de l’auto que cela se passe.

Dernier point pour l’extérieur : l’homologation. Cette dernière a laissé des traces bien visibles avec l’adjonction plutôt réussie d’un troisième feu stop. Bon, ce serait tout de même largement mieux sans mais ça pourrait être pire ! C’est en réalité l’échappement qui trahit le plus l’aspect régulation puisque la sortie latérale est déroutée vers l’arrière de la voiture, devenant une double sortie avec clapets, précédée d’un pot catalytique. C’est un peu triste, à dire vrai, c’est surtout particulièrement près du bitume.

Dans l’ensemble, cette Caterham 355R ne se distingue que peu d’une Caterham standard, affichant simplement quelques rares éléments distinctifs. La ligne de l’auto est intemporelle, avec son petit coffre à boutons pression, ses portières du pack « weather », son capot fantastique dont la tripaille des roues avant pointe le nez jusqu’aux délicates petites roues, ses ailes arrière tellement larges en opposition et toujours cette sensation de finesse, de petitesse, de légèreté. Une Caterham, c’est assurément un objet automobile unique, bien trop rare et gorgé de menus détails charmants qui lui donnent cette âme si particulière.

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Passons maintenant à l’intérieur. Bon, ça va aller vite… Au même titre que l’extérieur est minimaliste et dessiné autour des composants mécaniques principaux, l’intérieur suit cette même philosophie qui vise à toujours plus aller à l’essentiel, gagner du poids et servir le conducteur ! La Caterham 355R se distingue toutefois de ses homologues avec de nombreux ajouts par rapport à l’habitacle « standard ». Bon, peut-on qualifier de « standard » ces deux petits baignoires et ce tableau de bord au nombre de contacteurs réduit au minimum ? Disons que oui.

Du côté du standard d’abord, faisons la liste des fonctionnalités disponibles. De gauche à droite… Appels de phares, pleins phares, interrupteur feux de jour / feux de croisement, démarrage, contacteur de clignotants (le meilleur !), essuie-glaces à deux vitesses, contacteur de buse pour nettoyer le pare-brise (yeah !), deux petites jauges indiquant la pression d’huile et la température d’eau, la ventilation, le dégivrage du pare-brise (yeah bis !), la jauge carburant, les anti-brouillards et enfin les warnings. Quatre lignes tout de même. Les fonctions de base sont là, c’est tout ce qu’il faut retenir. Il y a même de quoi nettoyer et dégivrer le pare-brise et j’avoue que ça m’a étonné ! Après quelques kilomètres et oublis de clignotants, tout tombe sous la main, sans réfléchir. Le basique, le simple et l’efficace, ça a du bon.

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La Caterham 355R ajoute à cela quelques éléments décoratifs / fonctionnels. Le pommeau de vitesse adopte un joli R rouge, la planche de bord est en carbone et reprend la mention Seven 355R, le tunnel de transmission est en cuir « carbone », le volant minimaliste est livré par Momo ET il y a une prise 12V. Bon, on ne sait pas trop où mettre le smartphone avec Waze / Coyote mais au moins on ne tombera pas en panne de GPS et autres. Seule petite suggestion générale pour Caterham : il serait bon juste devant le levier de vitesse de créer un petit logement dans le tunnel central afin de pouvoir y caler / sécuriser un smartphone. C’est pratique pour une utilisation quotidienne mais cela peut aussi être fort pratique pour enregistrer ses performances en track day ! A bon entendeur…

L’autre différence majeure se situe sous le conducteur et l’enveloppe ! Les baquets passent au composite et se couvrent du même cuir carbone que le tunnel central. Surtout, le pack R intègre un harnais quatre points très facile à régler et assurant une tenue optimale dans l’habitacle ! Impossible de décoller les épaules une fois le bon réglage trouvé. Rappelez-vous : d’abord trouver le bon réglage en longueur, oublier le réglage en hauteur – il n’y en a pas, régler la ventrale et ensuite strapper d’un bon coup les épaules. Vous voilà prêts et dans une position idéale. Coude gauche  calé légèrement dans la portière, coude droite au dessus du tunnel, le volant tombe pile sous la main à 9h15 et le pommeau de vitesse, monté directement en prise sur la boîte est pile dessous. L’essentiel, une position de conduite parfaite, concentrée dans un espace minimaliste et avec un maintien parfait dans l’auto grâce au harnais qui apporter un supplément de sensation vraiment non négligable : on fait littéralement corps avec la Caterham 355R, les compteurs principaux sous le nez et les diodes de régime dans l’axe du capot.

Pour résumer, l’habitacle de la Caterham 355R va encore un peu plus loin dans la recherche de l’osmose entre le conducteur et la voiture, allégeant un peu, faisant aussi un peu dans les signes extérieurs de sportivité et créant encore un peu plus de lien avec ce volant spécifique, ces baquets les plus fins possibles et ce harnais. Il n’y alors plus qu’à enlever les portières du weather pack (une option à 1470€), chausser le casque intégral et partir faire des tours de piste.

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Ce sera mon seul regret de cet essai. J’ai parcouru 800 km à bord de cette Caterham 355R (9.8 L/100, très acceptable !) et je n’ai pas fait un seul kilomètre sur piste. Les modifications du pack R sont pourtant là pour ça, avec l’adjonction d’un différentiel à glissement limité, d’un pack d’amortissement plus sportif toujours signé Bilstein, d’un volant moteur allégé ou encore d’un maître-cylindre de freins au diamètre revu (et les freins fixes à 4 pistons à l’avant, en option). La rigidité du châssis est également augmentée au travers de barres anti-roulis spécifiques à l’avant et à l’arrière, le reste de la partie trains roulants restant identique avec une double triangulation à l’avant et un train arrière type De-Dion.

Ces composants, bien aidés par les gommes Avon, doivent donc permettre à la 355R d’absorber les track days sans aucune appréhension et j’ai tendance, après quelques longues sessions à très bon rythme, à penser que c’est effectivement le cas. Néanmoins, la Caterham 355R n’est pas une CSR ou une 620R, elle se veut aussi très vivable au quotidien. Est-ce vraiment le cas ?

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Arrivé chez SV Automobiles (un grand merci à eux par ailleurs !), je m’installe. Je trouve sans trop de mal le loquet pour avancer légèrement le siège et trouver la bonne position de mon pied gauche sur la pédale complètement débrayée. Réglage de la ventrale, réglage du serrage des épaules. Mon gabarit rentre parfaitement bien dans les baquets. Je suis à la fois bien tenu et maintenu, pas oppressé pour autant, ni dans l’inconfort. Pour rappel, je fais quelque chose comme 1m75 et pèse grosso modo 72 kg. Le châssis S3 de ce modèle est le plus compact et cela se sent forcément un peu. Il n’y a pas de repose pieds à gauche de la pédale d’embrayage mais j’arrive à plier ma jambe pour poser mon pied à plat. Pour les trajets sur autoroute que j’ai été amené à effectuer, j’ai donc pu trouver une position suffisamment confortable, bien calé dans le baquet et avec la possibilité de changer de position pour ma jambe gauche.

Du côté de la jambe droite, il ne faut bien sûr pas envisager de la plier. D’une, ça ne passe pas et de deux, il n’y a pas de régulateur. Le talon bien calé au sol, la pédale d’accélérateur tombe bien sous les orteils. La pédale de freins est juste à côté, étonnamment un peu plus haute. Le parcours pédale est un peu surprenant, avec une attaque de pédale assez haute qui oblige à décoller le pied du plancher pour bien prendre les freins. Pour qui a l’habitude de simplement pivoter son pied, c’est étonnant mais j’ai fini par m’y faire sans problème. L’embrayage est quant à lui dur mais suffisamment progressif pour être dosé sans être malmené. L’accélérateur l’est également mais la Caterham 355R n’aime clairement pas certains régimes stabilités, elle préfère les sollicitations franches. Oubliez donc la tenue d’une vitesse en léger sous-régime car vous récupérez de manière presque systématique une sorte de hoquet de la voiture et de la transmission. Il y a vraiment une phase d’apprentissage de cette voiture tout sauf assistée et celle-ci demande un peu de temps, c’est une relation à construire.

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Au bout des 800 kilomètres de l’essai, j’ai réussi à trouver cet équilibre, pouvant choisir de rouler en douceur, sans créer de soubresauts particuliers et sans trop caler. La première n’est pas évidente pour les démarrages en ville. J’ai ainsi vécu une grosse session de bouchons parisiens pour mon retour à Brou et… ce fut long, très long ! Première. Arrêt. Première. Le dosage de l’embrayage / gaz sur cette phase est le point le plus délicat de l’auto, dont la chaîne cinématique n’est pas vraiment conçue pour ça ! Sur circuit et en général, on utilise bien peu la première. Caterham n’a rien sacrifié sur les autres vitesses et la première est donc un brin raide. On s’y fait, on trouve les bons points. Il m’aurait fallu je pense encore un peu de temps pour être parfaitement tranquille sur tous mes démarrages.

En conclusion, tout cet ensemble demande un peu de temps pour être apprivoisé mais les roulages à moyen court (il n’y a pour ainsi dire pas de coffre, ne l’oublions pas…) ne sont pas un problème, que l’on soit seul ou à deux dans l’auto. Vous ne serez pas obligé de rouler à l’attaque pour avoir un comportement fluide et « normal » de la Caterham 355R. Néanmoins, si vous augmentez le rythme, aucun problème !

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Du côté de la suspension, nul besoin d’apprivoiser la bête. Il faut simplement se souvenir que le pot d’échappement est très proche du sol, que la voiture est dotée d’un empattement court et que ça peut donc très facilement frotter sur les dos d’âne et autres bosses sur la route ! Il m’est arrivé assez régulièrement d’entendre un léger ou moins léger « froutch » sous mes fesses alors que je roulais à l’attaque sur route dégradée ! Pour les dos d’âne en revanche, à moins d’arriver dessus à 30 km/h, ça passe plutôt très bien. Méfiance toutefois sur les plus ardus, à aborder à 10-15 km/h maxi. Même chose sur les routes très bombées au centre ! C’est bien le seul « problème » à assimiler car pour le reste, les tiges Bilstein font un travail d’amortissement remarquable !

Les débattements ne sont pas gigantesques et je m’attendais un peu à souffrir du dos, dès mon premier trajet Brou / Normandie d’ailleurs ! Quelle ne fut pas ma surprise d’arriver en pleine forme après ces 140 km de traversée du Perche, sur des routes alternant bel asphalte, villages à trous et routes bosselées au possible. Le travail des roues avant est parfaitement visible, gommant proprement les imperfections. Le train arrière ne cogne les vertèbres que sur quelques tranchées. Pour un usage normal, c’est plus que vivable, c’est même confortable dans le sens où, bien calé dans les baquets, on se laisse emmener sans se faire « cogner ». C’est pour moi la grosse surprise de cet essai. Quand le rythme augmente, la bonne raideur limite les plongées et cabrages, la voiture se cale sur ses freins et ne prend aucun roulis, le travail des suspensions est sensible et visible également dans les courbes aux intérieurs dégradés, une fois encore sans cogner.

Je gardais le souvenir sur la R300 d’une voiture lisant terriblement la route, se baladant sans douceur d’un côté à l’autre au gré des bosses et formes de route. La Caterham 355R est tellement plus confortable et vivable !

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Le seul défaut de cette Caterham, en usage quotidien, c’est finalement son rayon de braquage, énorme. Bon, l’isolation des remous à haute vitesse est inexistante ou presque. Autant vous dire qu’en prenant la route le lundi matin à 5h30 pour un Normandie / Paris, j’ai un peu souffert du froid mais j’ai vite trouvé une solution. Bras rentrés le long du corps, légèrement pelotonné dans le baquet, avec la chaleur du moteur qui remonte bien depuis les pieds jusqu’au torse ! Finalement, ça va avec ce chauffage naturel ! Bon, l’hiver doit être bien rude mais je me serais habillé autrement le cas échéant…

Si l’on accepte donc de s’asseoir sur les habitudes de confort moderne des berlines sans saveur sans avoir pour autant l’impression de conduire une voiture de course rude, difficile et sans pitié, cette Caterham 355R se montre tout à fait docile, apprivoisable et même prévenante pour ce qui est de son amortissement. Le compromis route / piste annoncé par la marque me semble réussi et tout sauf mensonger. On peut rouler avec cette voiture, tranquillement, tous les jours, sans se faire mal.

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Bon, c’est bien, on peut rouler avec tout le temps, emmener un ami en balade, aller au travail avec, partir en court weekend sans bagages, ne pas se péter les vertèbres… mais sinon, ça va vite ? Cette question, on me l’a posé souvent. Au delà des réactions positives extrêmement nombreuses, photos, sourires, pouces levés, enfants hystériques, bouches béantes et yeux coquins, la question de la vitesse est venue avec régularité.

Alors prenons les chiffres, rapidement. 525 kg. Disons 600 kg avec moi. 175 chevaux à 7300 tr/min. 194 Nm à 6100 tr/min. Des pneus qui mangent la route. Un châssis simple et affûté, travaillé dans les moindres détails depuis 50 ans. Une direction non assistée très directe. Des freins sans amplification. Une boîte Mazda à 5 rapports, ultra courte et en prise directe. Et vous demandez si ça va vite ? Oui, ça va vite, très vite.

En fait, ce qui est drôle, c’est que même à 20 km/h, tu as l’impression d’aller vite. C’est l’avantage d’être assis au ras du sol. C’est moins drôle quand tu croises un Q7 c’est sûr, mais la sensation de vitesse est forcément quelque peu décuplée par la proximité du sol, comme dans un kart mais avec un moteur Ford Duratec 2.0L atmo devant et préparé par des anglais un peu fous.

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 La vérité, c’est que tu démarres en trombe avec le volant qui part dans le sens opposé des roues, que tu remets bien droit, que tu passes la deux et que tu arrêtes de réfléchir. Là où le moteur enroulait tranquillement sur la faible masse de la voiture pour gérer la circulation quotidienne entre 1500 et 3500 tr/min, l’appui on/off sur la pédale de droite entraîne une forte gueulante du moteur ! Les clapets s’ouvrent, la chaleur envahit copieusement la zone proche des pieds du conducteur et le 4 cylindres donne fortement de la voix. Oh, l’échappement n’est pas terrifiant de bruit mais il impressionne, pas trop travaillé, très brut même en étant un peu filtré par le pot d’homologation. Cela gronde bien comme il faut. Pas trop de bruit tous les jours, une belle déferlante à pleine pédale ! Attention au rupteur, non indiqué sur les compteurs Caterham.

Je reviens à mon oubli de cerveau. Fond de 2, 90 km/h. Fond de 3, 140 km/h. Fond de 4, 190 km/h. Fond de 5, 222 km/h annoncés. Le 0-100 est annoncé en 4.8 secondes, j’ai eu l’impression alors que le moteur explosait dans mes oreilles que ça allait bien plus vite ! Ce qui est sûr, c’est que la poussée continue très fort jusqu’au fond de 4. Linéaire, volontaire, gueulard à l’approche du rupteur, le bloc de 175 ch délivre avec vigueur ses multiples poneys. Les dépassements avec ce type de voiture sont une formalité, l’air qui envahit furieusement l’habitacle est grisant et je me surprendrai régulièrement pendant cet essai à rire comme un forcené de manière tout à fait spontanée.

Plus encore que d’autres voitures légères ou très puissantes, une Caterham génère le sourire, le rire nerveux ou de jouissance. La recette est simple : combiner extrême légèreté et puissance.

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En dehors des lignes droites, où l’on peut ouvrir en grand sur l’accélérateur et profiter de très bonne stabilité à haute vitesse de la voiture – j’insiste de nouveau sur son absence de propension à lire la route – il faut réactiver le cerveau. Pas de direction assistée, pas d’assistance au freinage, pas d’ABS, pas d’ESP : le conducteur est livré à lui-même et donc totalement responsable de ses actes. L’absence de protections, d’airbag et autres rend la prise de conscience immédiate. On n’attaque pas avec une Caterham comme on attaque avec n’importe quelle voiture moderne.

Freinez trop fort, vous bloquez les roues. Débrayez / rembrayez copieusement roues braquées, vous partez en marche arrière. Et ainsi de suite. Il faut conduire propre, il ne faut pas avoir les yeux plus gros que le ventre et tout se passe alors bien. Si la Caterham 355R n’est pas assistée dans sa conduite, elle n’en est pas trompeuse ou dangereuse pour autant. Le petit diable du début d’article reste vrai : elle va vite, très vite et ses relances en 2/3/4 sont impressionnantes. Il y a largement de quoi se faire peur !

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Je n’irai bien sûr pas jusqu’à dire qu’elle est prévenante mais elle prévient, elle communique, elle retransmet des informations plus que satisfaisantes afin de comprendre la bonne ou la mauvaise dynamique. Le train avant, tout d’abord, se montre incisif. Si la voiture a un rayon de braquage terrible en manœuvres, le côté direct de la direction fait que le nez de l’auto va exactement où les yeux vont, avec ce qu’il faut de raideur dans les bras et le petit volant qui tourne et bénéficie d’un retour de force solide mais tenable. On sent l’auto tourner, on la voit tourner, sans mauvaise sensation.

Le volant est à tenir à deux mains, toujours. On ne le lâche dans le sinueux que pour passer les rapports. Le levier badgé R tombe sous la main directement. Les débattements sont très courts, les verrouillages rudes. Les rapports se claquent plus qu’ils ne se passent, avec une franche poussée sur la pédale d’embrayage et une remontée aussi vive. On sent que c’est fait pour, que la mécanique se met aussitôt en place pour renvoyer tout ce qu’elle peut au différentiel et aux roues arrière. Quel bonheur que cette boîte ! Elle vient de chez Mazda, ce n’est pas vraiment une surprise, du coup.

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Les freins et les pneus m’ont également mis en confiance. Si la pédale des premiers est donc un peu haute pour le début de sa course, on trouve vite un bon toucher de pédale et des décélérations très franches même si finalement peu impressionnantes. Pas de blocage de roues à signaler, les gommes étant à priori sacrément volontaires pour coller au bitume en toutes circonstances. Le bon travail de la suspension pour plaquer en permanence les roues au sol doit également bien jouer par rapport à mes souvenirs de la R300.

Pas de cabrage, très peu de plongée. La voiture reste parallèle au sol, virant d’un bord à l’autre. Le grip en latéral est lui aussi bluffant. On est bien content d’être assis dans son baquet baignoire quand les enchaînements se suivent ! Où est la limite de ce châssis et de ces pneus ? Il faut un circuit pour le savoir. Là, je n’ai pas trouvé, passant pourtant dans mes virages habituels à des vitesses vraiment pas raisonnables si l’on considère l’absence totale de protections de la voiture ! Mais elle est tellement saine, on sent tellement bien dans les reins ce qu’il se passe que la notion de limite se repousse bien loin.

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Finalement, pour peu qu’on roule très proprement et sans aller chercher la « maximum attack », la Caterham 355R est saine, très saine. Elle glisse du train arrière et se décale, pour sûr, dès qu’on la brusque ou la provoque, le DGL aidant parfaitement à faire pivoter l’auto. Les changements d’appui génèrent toujours ce léger placement parfaitement maîtrisé et sensible, amusant et rassurant à la fois, une forme de « hey, attention, hein » aussi. Elle n’est pas vraiment faite pour glisser, elle est faite pour la piste et glisser, c’est perdre du temps. Donc elle se décale et pousse, aidant le train avant inscrit avec générosité.

Finalement, les seuls moments où elle peut se montrer difficile, c’est quand on rate un dégressif, quand on soulage d’un coup l’accélérateur ou qu’on rétrograde un peu fort. Autrement dit, quand on fait une erreur. Il y a néanmoins une marge intéressante entre la tolérance absolue des voitures modernes et mes souvenirs, une fois encore, de la R300. Cette dernière ne pardonnait rien, j’ai l’impression que la 355R est un tout petit peu plus docile, sûrement parce qu’elle est raide mais sans être une voiture dédiée uniquement à la piste.

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Sachez donc que si vous voulez vraiment augmenter le rythme et aller chercher les limites, il faudra absolument passer sur piste et cette Caterham 355R, dotée des bons équipements renforcés pour cet usage, saura faire ! Sachez aussi que si vous roulez fort sur routes dégradées ou vibreurs, vous pourriez bien déclencher le contacteurs de chocs comme ce fut mon cas. La pompe à essence est alors partiellement désactivée et le moteur tourne tant bien que mal. Un démontage du capot, un clic sur le contacteur situé à côté de la plaque constructeur, un peu de temps de chauffe et ça repart ! Petite frayeur résolue un dimanche matin, merci !

Alors, cette Caterham 355R, route ou piste, machine pratique ou petit diable ?

Il y a de tout en elle, elle sait tout faire pour peu qu’on oublie de rouler par temps mouillé (la capote est une relative horreur à installer, je ne suis à titre personnel pas prêt pour ça !) et qu’on abandonne une partie du confort habituel. En échange de ces quelques concessions, c’est une machine à plaisir absolument incroyable, capable de donner des sourires immenses en très peu de temps et en faisant bien peu de choses. Avec son excellent amortissement et un moteur disponible à tous régimes, elle peut absorber le quotidien tout en le rendant exceptionnel.

Maintenant, une 355R est-elle nécessaire ou bien d’autres modèles sont-ils capables de le faire ? J’imagine que la toute récente 310 du marché anglais est encore plus facile et « normale », tout comme les 275 et 165 de notre côté. La Caterham 355R permet par rapport à elles d’aborder les track days en toute quiétude. Gommes collées au sol, DGL, harnais, freins renforcés, tout est fait pour que la voiture endure et donne son maximum, grâce à un moteur plus que dimensionné pour cet usage. Les autres seront très certainement plaisantes à emmener mais celle-ci est faite pour et ne sera jamais juste sur piste, même avec de longues lignes droites.

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Je me souviens il y a quelques années d’avoir commencé à travailler avec Caterham, c’était à l’époque de la naissance de SAAC, l’aventure avec Alpine qui s’est achevée avant même d’avoir vraiment commencé. J’avais été impressionné par le mélange de sérieux et d’amusement des équipes engineering, leur évident savoir faire et leur pragmatisme technique. Nous avions parlé des 160 et 620 à cette époque, c’était pour moi un régal de parler avec ceux qui les avaient fait naître.

L’aventure s’est achevée, je ne travaille plus avec eux. Néanmoins, pendant tout cet essai, j’ai retrouvé dans la Caterham 355R ce mélange d’amusement et de sérieux technique qui était leur marque de fabrique. Cela est venu confirmer s’il en était besoin que ces anglais peuvent être crus quand ils annoncent avoir trouvé tel ou tel équilibre, tel ou tel compromis. La 355R serait donc une machine parfaite pour rouler sur route et sur piste ? C’est ce qu’ils disent. Je suis d’accord et j’ai bien hâte de me faire un avis sur les 160 et 620 !