En visite chez M-Sport / Ford WRC à Dovenby Hall

M-Sport. Ford. World Rally Championship. Je pourrais m’arrêter là. Rêve de gosse. Accomplissement. Quatre années à bloguer et un évènement qui vient couronner une somme de sensations, de découvertes, d’évènements, de beaux moments. Je pourrais arrêter d’écrire aujourd’hui tant j’estime avoir touché du doigt ce à quoi j’aspirais. Réaliser un rêve, un vrai, au delà des belles expériences que j’ai pu vivre.

Ce rêve, c’était d’approcher une équipe de rallye de niveau mondial, celle de M-Sport, celle qui engage pour Ford les Fiesta RS WRC en Championnat du Monde des Rallyes. Le rallye, pour moi, c’est une drôle d’histoire… Un mémoire de quelques centaines de pages rédigé pendant mon DUT. Un frangin qui a bossé chez la concurrence pendant quelques années. Des candidatures de stages restées sans réponse. Des années de suivi du championnat, de la passion, des émotions, une immersion jamais vraiment concrétisée par de réelles sensations. Ford et M-Sport m’ont permis le temps d’un mardi et d’un mercredi de toucher du bout des doigts ce qui me fait vibrer : la compétition automobile, l’excellence de l’ingénierie, de la logistique, du pilotage. Le tout. Un pack 100% pur plaisir.

Direction l’aéroport de Manchester. Transfert Cockermouth et la région des lacs, pile au dessous de la frontière écossaise. Paysages sublimes, oscillation des verts entre le plus foncé et le plus explosif, les yeux se perdent et se mettent à compter les innombrables moutons et murets de pierre noire. Cette région est d’une beauté à couper le souffle. Moins sauvage que j’imagine sa cousine plus au nord, tout aussi verdoyante que l’Angleterre rêvée, un équilibre. Je découvre le coin avec un certain émerveillement et la volonté de revenir en bonne compagnie. La fin de l’après-midi va être consacrée à la visite de Dovenby Hall, le haut siège de M-Sport, l’endroit où naissent tous les petits monstres badgés Ford qui vont arpenter les pistes du monde.

Pour nous accueillir, une équipe de rêve : Malcolm Wilson (le seul, l’unique), Christian Loriaux (directeur technique, un mec dont j’ai toujours été plus qu’admiratif) et Jari-Matti Latvala, l’un des deux pilotes officiels de l’équipe, un pur talent qui se bonifie avec le temps. Moment de doute alors que l’on pénètre dans la gigantesque propriété ceinte de murs, que l’on découvre cette antique bâtisse reconstruite à l’origine et dont les plus anciennes parties date du XIIème siècle. Oui, pas de doute, je suis bien là. Je me pince mais oui, c’est bien Jari-Matti qui me serre la main et me souhaite la bienvenue, c’est bien Malcolm Wilson qui nous tient la porte et nous accueille chez lui, tout simplement chez lui. La notion de famille prend tout son sens chez M-Sport. La Focus Safari de 1999, celle de Colin McRae, est là pour le rappeler, le musée aussi. Petite structure qui a grandi pour devenir une référence, on se sent tout petit entre ces murs.

La visite commence par le gigantesque hall capable d’accueillir une vingtaine de voitures. Le processus est simple : les voitures sont montées et démontées selon un schéma simple et progressif. A chaque poste sa voiture et son rôle. Le but est ainsi de dépecer la voiture de tous ses éléments ou à l’inverse de les monter de manière séquentielle. Précision, propreté, un moteur qui démarre soudain et remplit le volume de sa présence, voilà l’ambiance qui règne ici, celle d’un professionnalisme exacerbé et d’une quête du parfait tant dans la réalisation que dans le process. Il en va de même dans les différentes salles que l’on visite.

Salle de réunion surplombante, département de conception, département des ingénieurs et service de prototypage rapide. Le but ici est d’avoir une réactivité maximale afin de produire des solutions, des idées, des optimisations ! Que ce soit lors de la conception initiale de la voiture ou pendant son évolution au fil des saisons, tout doit se faire de manière fluide. M-Sport dispose ainsi d’un département de réalisations de pièces « maison » qui peuvent ensuite être réalisées systématiquement sur places ou gérées avec des fournisseurs de confiance. L’optimisation du poids est partout, y compris dans les pièces les plus banales ! Le plus léger on conçoit (et le plus robuste aussi), le plus on peut répartir de poids ailleurs dans la voiture pour l’équilibrer comme on le souhaite. Cette optimisation, c’est l’héritage de Christian Loriaux avec la conception de la nouvelle Focus RS.

Les sous-systèmes mécaniques sont montés dans des salles séparées et contrôlés minutieusement, la moindre erreur de montage pouvant se traduire par un abandon en course. Le travail avec X-Trac ou Pipo se fait lui aussi de manière fluide, les idées fusant de part et d’autres pour produire la meilleure boîte, le meilleur moteur. En parlant de moteur, M-Sport dispose de jolis bancs de tests (dont un pur perfo et un dynamique couplé à un contrôle pression / température fort sympathique, 2 M€ le jouet) qui m’ont impressionnés. Chaque pièce, que ce soit moteur ou autre, est en fait testée trois fois sur des bancs différents. Chaque organe de sous-ensemble dispose en fait de ses tests dédiés et ainsi, les pièces sont testées, re-testées et re-re-testées pour garantir une fiabilité maximale même si cela ne remplace bien évidemment jamais les situations réelles, en rallye.

Les systèmes électroniques ont aussi leur département, les boîtes et embrayages de même, les moteurs se montent en 3-4 semaines, le turbo imposé par la FIA est décortiqué afin d’être optimisé partout où cela est autorisé : équilibrage des roulements et des pièces en rotation, maximisation de la compatibilité des pièces, etc.

On navigue en pleine excellence… Pour moi, la visite s’est faite sur un nuage, enchaînant tranquillement les discussions avec messieurs Wilson, Loriaux et Latvala. Tellement de questions à leur poser, tellement peu évoquées au final au profit d’échanges informels, sympathiques et cordiaux. Pour Malcolm Wilson, ce fut sa capacité à gérer deux pilotes au top, la difficulté parfois d’être indépendant et son souhait absolu de continuer l’aventure avec Ford pour les années à venir. Pour Christian Loriaux, ce furent des discussions sur son rythme de vie en tant que directeur technique, la conception de la Focus RS quand il a rejoint M-Sport, celle de la Fiesta ensuite, son travail avec les fournisseurs et ses équipes, les validations. L’ingénieur que je suis a voulu en savoir plus, comprendre les différences qu’il y a entre la série et le WRC, rêver un peu aussi devant toutes ces pièces de rêve. Enfin, pour Jari-Matti, c’était son sentiment sur la saison, son évolution sur l’asphalte, son sentiment chez Ford et l’impression d’être en famille, son implication dans le développement et aussi le fait que finalement, c’était la première fois qu’il faisait un tour de Dovenby Hall de cette manière ! Première expérience partagée avec le sourire.

Cette journée était tellement riche en rencontres, en discussions, en sourires émerveillés par ce que je découvrais. Ce n’était que la première journée… La suite : mercredi prochain.